J'ai découvert sur internet ce très beau discours prononcé par Anne d'Ornano, le samedi 25 octobre 2003, lors de
la remise de la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur à Philippe Augier, Maire
de Deauville.
En général, les discours ennuient car ils manquent de vie. Celui-ci, par sa qualité, mérite l'admiration.
Discours de Madame Anne d’Ornano,
Le Maire de Deauville, Mesdames et Messieurs, à qui, dans quelques instants, je vais avoir le privilège de remettre la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur, est un très bel homme.
Je sais qu’il ne souhaitait pas que j’en fasse état mais j’ai, au contraire choisi d’évacuer tout de suite le sujet. En effet, les journaux en parlent, toutes les femmes le savent, aucun homme ne l’ignore, et tout le monde le constate : Philippe Augier est bel homme. C’est dit, et je ne reviendrai pas sur cet aspect-là des choses, sauf à ajouter que la beauté est certes un cadeau des dieux, un coup de pouce du destin, une quelconque bénédiction, mais qu’elle n’a, à très court terme, aucune importance ni valeur si elle ne reflète pas, immédiatement, dans le miroir du coeur, de l’âme et de l’esprit.
Je suis très touchée Philippe que vous ayez souhaité, alors que nombreux ministres ou hautes personnalités auraient été enchantées de le faire, que ce soit moi qui vous remette cette croix, symbole de la reconnaissance de la Nation, du respect de vos pairs et de l’estime de vos concitoyens.
Une remise de décoration est un moment important dans la vie, et je suis heureuse de le partager, aussi intensément avec vous. Intensément, c’est-à-dire avec la même petite, ou plutôt, la même grande angoisse de parler devant vos extrêmement multiples amis et de, peut être ainsi, montrer ouvertement nos fragilités et nos carapaces. Nous avons déjà partagé, à travers le temps, vous et moi, des moments importants. Ils nous appartiennent. Ils ont été chaleureux, complices, ambitieux, victorieux, souvent drôles, parfois difficiles. Permettez que celui-ci, au-delà de la chaleur, de la complicité et même de l’amitié soit aussi un peu solennel.
En effet, c’est le reflet de votre passé, la trace de vos pas sur le sable, les plumes de votre panache envolées le long de votre route, la musique de votre vie, les fleurs semées, que vous allez porter dorénavant, en forme de petit ruban rouge accroché à votre boutonnière. Et le moment où cette possibilité vous est donnée mérite bien une halte devant le vent du temps qui passe. Une pause nécessaire pour reprendre son souffle, bien mesurer la valeur du moment et se retourner quelques instants sur le chemin parcouru et le pourquoi de cette reconnaissance.
C’est donc à moi de dire…
Et pourtant…
Essayer de résumer la vie d’un homme, quel qu’il soit, en quelques phrases, est une aventure étrange, toujours incomplète. Comment, en effet, dire ne quelques mots les raisons d’une telle distinction ? Comment peut-on raconter la silhouette de l’homme ? Comment se mesure le travail accompli ou les efforts au quotidien ? Comment peut-on raconter, au moment où les honneurs lui sont rendus, les difficultés du passé, le son de la voix, l’ombre ou la lumière de l’aura, les manies, les tendresses, les satisfactions, les agacements, les doutes ou les certitudes ? Comment décrire le courage, les secrets ou les évidences ? Chacun sur terre est comme il est, vit sa vie, fait ses choix, prend ses décisions, partage, souffre, aime et laisse sur son chemin l’empreinte de son passage.
L’empreinte de votre enfance, Philippe, est vive dans la mémoire de ceux de vos amis qui l’ont partagée. Ils se souviennent d’un élève doté d’une extraordinaire facilité à capter les choses. Il a l’intelligence vive et l’esprit étonnamment agile. Il n’hésite pas, du haut de ses douze ans, à dire au professeur de mathématique qu’il y a, pour résoudre un problème, une manière plus rapide et plus facile que celle que le maître vient d’exposer et d’en faire, dans la foulée, la parfaite démonstration. Un peu d’insolence, peut-être, beaucoup de vivacité dans le raisonnement, certainement.
Vous êtes, Philippe, un enfant de cette banlieue parisienne que nous appellerons « modeste ». Les temps ne sont pas faciles, les moyens sont limités, et l’ambiance familiale est souvent un peu tendue. Mais votre mère est courageuse et, connaissant vos capacités, elle est exigeante de vous, avare de compliments et veut constamment vous faire progresser. Vous lui devez l’apprentissage de l’effort, des principes, et des valeurs qui font votre force. Elle vous voulait le meilleur. Madame, vous pouvez, encore une fois, être fière de votre sympathique garnement : ce soir il est Chevalier de la Légion d’honneur. Et alors qu’il n’a encore qu’à peine quelques cheveux blancs, il a la plus jolie des croix.
Dissipé, rieur, un peu chien fou, il déborde d’énergie et va tellement vite qu’il a tendance à laisser les autres derrière lui…à les semer même dira Michel Houyvet, son ami du Cours Saint Joseph d’abord, du lycée Pasteur ensuite, et de toujours, depuis. Il affirme déjà ses convictions, déteste l’injustice et n’admet pas qu’un adulte ait raison simplement parce que c’est un adulte. Ce qui le fait, parfois, passer pour rebelle ou tout du moins pour arrogant.
Le jeudi après-midi, il va aider sa grand-mère qui tient une petite mercerie près de la gare Saint-Lazare. J’aime bien l’idée de Philippe, petit garçon, tenant la caisse dans une mercerie. Et j’aime bien son sourire quand il en parle. Dans les moments perdus, il y fait un peu de tapisserie et je me demande si ce n’est pas là, entre bobines et rubans, à l’ombre d’une grand-mère aimante et de son mari protecteur, qu’il découvre que dans la vie il faut apprendre à compter les points, tirer les fils et tisser les toiles.
Les week-ends, les vacances se passent souvent dans le haras de la famille Houyvet. C’est chez eux, au Molay Littry, au haras du Petit Bosc, que l’enfant de la grise banlieue découvrira la beauté de la nature. C’est là qu’il apprendra la Normandie. Il en aime les couleurs, les odeurs, les pur-sang. Il en découvre, dans les cimetières militaires, les cicatrices, les douleurs et les sacrifices venus d’ailleurs. Ceux d’ici aussi, puisque le grand-père de son ami Michel, conseiller général du canton de Balleroy, maire de Littry, fut un grand résistant, et mourut fusillé sur le bord de la route le jour de la fuite des Allemands.
Il est curieux de la vie dont l’histoire de cette tragédie lui fait prendre conscience de la valeur et de la fragilité. Il veut la prendre à bras le corps, il en est avide. Rien ne le laisse indifférent. Il a l’esprit conquérant.
En 1967, il entre faire son droit à Nanterre. Nanterre a deux ans d’âge et les esprits s’y échauffent. Ils s’enflammeront un an plus tard. Philippe observe, écoute et fait ses choix. C’est l’heure de sa prise de conscience politique. Il a le coeur plutôt à gauche mais n’aime pas la tournure que prend la révolte. Il n’en aime pas les règles du jeu. Il ne pense pas que c’est en crachant sur les ministres ou en mettant le feu aux livres ou aux immeubles administratifs que l’on peut faire évoluer la société. Il avait compris que pour redistribuer de la richesse, il fallait d’abord l’avoir créée. Il entend le discours que Giscard prononce à l’Assemblée Nationale. Il lui écrit, mettant sa jeunesse et son énergie à sa disposition. Giscard lui répond
immédiatement. C’est le début d’une belle aventure qui le fera entrer d’abord dans un groupe d’études et de réflexions et ensuite collaborer avec Michel Poniatowski à l’écriture du livre « Les choix de l’espoir ». Livre résolument tourné sur les progrès scientifiques de tout genre qui se dessinent et que les politiques, d’après Ponia, ne prennent pas assez en compte dans leurs visions de l’avenir.
En janvier 1970, il entre au bureau des jeunes giscardiens, les JRI, en temps que Secrétaire général adjoint. A la fin de l’année il en devient président. Il est étudiant, il s’est marié, il lui faut gagner sa vie. C’est Serge Houyvet, le père de Michel, qui lui décroche auprès de Maurice O’Neil, un mi-temps à l’Agence Française de Vente de Pur-sang qui organise, à Deauville, des ventes aux enchères publiques de chevaux de courses et dont le siège est à Paris.
En 1972, invité par le Parti des Jeunes Démocrates, il part aux Etats-Unis suivre pendant 5 semaines la campagne présidentielle. C’est celle de Nixon contre Mc Govern. Il observe et enregistre les méthodes américaines, ce qui fait que deux ans plus tard, lors des élections de 1974, il lance ses Jeunes pour Giscard dans la bataille électorale avec tout le professionnalisme, le punch et l’enthousiasme qu’il a rapportés d’Outre Atlantique. Et ils ont pesé, croyez-moi, dans la balance, tous ces jeunes à travers la France à qui, en vrai chef, il insufflait l’énergie de ses convictions…Je me souviens que Michel m’avait parlé de lui mais je crois que ce n’est qu’à ce moment-là que je l’ai rencontré. Ca m’étonnerait fort que je me trompe, parce qu’avec une tête pareille, je ne pense pas que je l’aurais oubliée.
Rue de la Bienfaisance, centre stratégique de la campagne de Giscard, il dirige, tambour battant, son armée de jeunes et moi je m’occupe de l’accueil. Nous sommes tous les deux au rez-de-chaussée mais nous sommes priés de monter tous les matins au dernier étage, celui des gens sérieux, et à nous retrouver dans le bureau de mon mari pour faire le point sur les événements d’hier, les projets d’aujourd’hui et les idées de demain. C’est de là qu’est parti, entre Philippe et moi, notre premier travail d’équipe avec un « Giscard à la barre » partagé, joyeux et, il faut le dire, triomphant.
Il n’a pas beaucoup changé depuis cette époque. Je veux dire qu’il n’a pas changé de manière d’être ou d’agir. Le d’Artagnan est toujours en lui. Il a conservé son énergie débordante, parfois éprouvante pour les autres ainsi que sa prodigieuse capacité de travail. Il a gardé son infaillible fidélité à ses amis qui, parfois, lui feront prendre des véritables risques pour eux. Sa passion de l’action, sa curiosité de la vie, sa fidélité à ses convictions sont intactes. Son pouvoir de séduction, qu’il dit, avec sincérité, ignorer est toujours aussi fort. Il peut, tant c’est inné en lui, en ignorer le pouvoir mais, à mon avis, il ne peut pas en ignorer le besoin. Il aime les gens, profondément et veut, aussi profondément être aimé d’eux. Il est donc sans le vouloir, je veux bien le croire, habité du devoir de séduire. Il est ainsi fait. Et après tout, même si c’est quelques fois un peu « escagassant » nous serions probablement moins nombreux ici ce soir s’il en était autrement.
Une fois Giscard arrimé à la barre, Philippe organise sa propre succession à la tête des JRI. Dominique Bussereau prendra la présidence, Jean-Pierre Raffarin le secrétariat général. Lui deviendra Secrétaire national des Républicains Indépendants et continuera, dans ce cadre, à travailler avec les deux Michel, Ponia et D’Ornano.
C’est en 1977, qu’Elie de Brignac, dont je salue ici la mémoire, alors Président de l’Agence Française pour laquelle Philippe travaille toujours à mi-temps, lui demande d’en prendre la
direction générale. En effet, l’agence avait un peu tendance à ronronner dans son microcosme français alors que la concurrence étrangère se faisait sentir et Elie de Brignac pensait, à juste titre, qu’il fallait partir à la conquête du monde et…du Japon aux Etats-Unis, de l’Irlande aux Emirats, du Pôle Nord au Pôle Sud, c’est Philippe qu’il souhaite envoyer prêcher la bonne parole. C’est un formidable challenge pour ce jeune homme de 28 ans, mais il lui demande un sacrifice important, celui de prendre du recul par rapport à la politique.
Philippe, convaincu de la qualité de l’élevage français, fait son choix et sa valise…et petit à petit Deauville, enchantée, voit arriver, au moment des ventes, des têtes nouvelles, des coutumes nouvelles, elle entend parler des langues nouvelles pendant que, sous la houlette de Philippe, tombe le marteau et grimpent les enchères. L’agence s’agrandit, se multiplie, se développe. Elle passe d’un chiffre d’affaires de 30 millions en 1977 à 230 millions en 1985. Puis elle est frappée, cette année-là, par le drame de la disparition brutale d’Elie de Brignac suivie à peine trois ans plus tard de celle de Roland de Chambure. L’Agence perd ses pères, Philippe ses mentors. La mauvaise conjoncture du marché hippique, provoquée par le crack boursier du 19 octobre 1987, s’en mêle, les mauvais payeurs aussi. Le bateau tangue. Philippe rame.
Il fait partie de cette race de gens rares dont les moyens se surmultiplient lors des crises. Un grand calme s’instaure alors en lui. On pourrait presque croire qu’il aurait la chance d’être doté d’une sorte d’adrénaline qui ne serait pas tout à fait la même que celle des autres. Il n’est jamais meilleur qu’en tempête.
Pour qu’elle n’envahisse ni sa clarté d’esprit, ni son optimisme, ni les autres aspects de sa vie, il rangera, afin de la cloisonner et de mieux la cerner, la crise dans un tiroir spécial de son intelligence qu’il ouvrira à bon escient pour la décortiquer, la dépiauter, l’analyser et, enfin, l’autopsier. Il ne se lamente pas, ne se panique pas, il se concentre. Il relativise et il avance. Non seulement il ne perd pas pied mais il prend la main ? C’est ce qu’il fait en 1989 : prenant personnellement tous les risques, il emprunte et entre fortement dans le capital de la société dont la caractéristique économique principale est d’importer des devises tout en maintenant et développant l’emploi dans l’élevage et toutes ses filières. Il en devient Président et très vite remonte la pente. Il parcourt toutes les campagnes, tous les haras de Normandie et du Sud-Ouest pour sélectionner lui-même les yearlings et, très vite, les produits vendus à Deauville remporteront les plus belles victoires. Il impose, à travers son Agence Française du Trot et grâce à son savoir-vendre, les ventes de trotteurs. Il diversifie et, dès 1990, crée une filiale, Deauville Auction, spécialisée dans les ventes aux enchères d’oeuvres d’art, de meubles, de vins et de bijoux, devenue incontournable dans le monde des ventes. Il agrandit les locaux, il innove, il fonce ? Il dit qu’il ne court jamais, il a raison…Il galope. Il décide de quitter Paris et de transférer toutes ses activités sur Deauville. Il devient Deauvillais, Béatrice devient Deauvillaise.
Mais la petite musique de la politique, qui n’a jamais cessé de pianoter dans sa tête, se fait plus forte, cette flamme qu’il n’a jamais cachée se fait plus vive. De loin je l’observe et je le sais. Comme je sais qu’il me faudra un jour trouver un remplaçant et que ça ne se trouve pas obligatoirement sous le pied d’un cheval…Sauf que, comme souvent, Deauville est l’exception qui fait la règle.
Préparer sa succession devrait être, pour tout élu responsable, une ardente obligation et je suis toujours étonnée de constater combien, en réalité, peu d’entre eux s’en préoccupent. Ou,
plutôt, combien se préoccupent, au contraire, sous la pression de leurs amis bien entendu, du contraire.
Nous sommes en 1995, c’est une année d’élection municipale. Je me présente pour la quatrième fois mais je pense à la fois d’après.
Je sais donc qu’il me faut trouver un successeur. Quoi que l’on dise, c’est une sorte de douleur. Quoi que l’on dise, elle est profonde. J’essaie d’être lucide. Il y aura l’inévitable usure et il y aura aussi le cumul des mandats dont je risque d’être frappée. Il y a surtout le fait que j’aime assez ma ville pour savoir qu’il sera temps, six ans plus tard, de laisser à d’autres l’imagination du renouveau. Cela étant, il m’aurait été insupportable que cette imagination ne soit pas compatible avec mes idées, celles que Michel m’avait transmises et que j’avais adaptées, saison après saison, bon an, mal an, à mon rythme, à ma manière, à mon air du temps.
Il fallait donc que je trouve quelqu’un à qui je pouvais confier, avec l’accord de tous les Deauvillais, de tous mes collaborateurs, de mes adjoints et du conseil municipal, ma petite ville de France, ma grande lame du bord de mer qui m’avait apporté, au-delà des soucis, tant de bonheur et de consolation.
Je lui devais bien le cadeau d’un joli passage de flambeau.
Mais, on ne transmet pas facilement ce passé-là, cette passion-là. Il faut beaucoup de confiance et de complicité pour trouver quelqu’un que l’on aime bien avant et que l’on ne détestera pas terriblement après…C’est étonnamment fréquent ce passage de pouvoir, que l’on est certain d’avoir voulu et qui souvent débouche sur une rancoeur, parfois presque une haine, dès que celui que l’on a désigné s’installe derrière votre bureau et que c’est à lui que l’on fait les courbettes. Il se transforme en coucou dans votre nid. Le gentil dauphin devient prédateur. Le vase est fêlé et l’aigreur du chagrin s’installe.
Il est donc plus qu’utile de bien méditer sur son choix, et si possible de le tester. Il faut dire d’abord qu’aucun de mes adjoints ne briguait la place. Deauville, dans toute sa courte histoire puisqu’elle n’a que quelques 140 ans, a toujours eu des maires parisiens et elle s’en est toujours bien portée. Philippe me semble être l’homme de la situation mais en réalité, je le connais plus en apparence qu’en profondeur. Il faudra qu’il fasse ses preuves. Il sera élu sur ma liste et aura six ans d’apprentissage en temps qu’adjoint en charge du tourisme et de la culture. Quand je dis apprentissage, j’exagère un peu, car il n’a pas mis le temps d’un pas de roi pour parfaitement maîtriser les dossiers qui lui étaient confiés. Mais je parle de l’apprentissage de la vie d’élu : son côté lumière, c’est-à-dire côté pouvoir et action, et son côté ombre, c’est-à-dire la confrontation avec la douleur des autres qui se tournent vers vous, persuadés que vous avez toutes les possibilités pour trouver des solutions à toutes leurs désespérances.
Je parle surtout de l’apprentissage de Deauville, pas le Deauville des cartes postales mais celui de tous les jours, y compris les jours qui sont plus parapluie que parasol.
Pendant ce mandat d’adjoint, il fait un triomphe dans le monde du tourisme. A travers l’association France Congrès, dont il prend la présidence, ou celle des Stations Classées dont il est Vice-président ou encore au sein du conseil d’orientation du Conseil National du Tourisme, il donne des idées, secoue, dynamise. C’est au titre de cette action pour le
développement de la première industrie de notre Pays qu’il reçoit, ce soir, la Légion d’Honneur…
Et pendant ces six années, moi, je découvre l’homme derrière l’adjoint et derrière les apparences.
Il est buveur de thé. Il aime les mots, les notes de musique, la palette des peintres, la lecture. Il aime passionnément les siens, l’amitié, la vie et l’avenir. Du signe de la vierge sous lequel il est né, il tient beaucoup de ses traits de personnalité. Il est méticuleusement ordonné et méthodique. Capable, avec une grand sensibilité, de prendre sur lui le poids de la peine des autres et de la partager au point d’avoir les larmes aux yeux et de ne pas s’en cacher. Il est, Dieu merci, car c’est une force, réellement capable de pleurer et de ne pas en avoir honte quand la musique est belle, quand le film est triste ou quand la peine est humaine. Contrairement à l’image qu’il donne, il est parfaitement et fréquemment capable de douter de lui. Il éprouve souvent le besoin de se remettre en question et de se prouver à lui-même.
Cet homme chante faux et parle juste. Je lui envie son peu de besoin de sommeil, qu’il mesure et distille selon une méthode que je n’ai, malgré de nombreuses explications, montre en main, pas encore très bien comprise mais qui lui donne, sans doutes et sans cernes, environ cinq heures d’avance par jour sur le commun des mortels.
C’est un donneur de livres et c’est un tourneur de pages. Il a le joli geste, que je ne connais à personne d’autre, d’offrir un livre aux invités qui viennent dîner chez lui. Livre qu’il a, bien sûr, lu et qui prote souvent un message d’amitié. C’est lui qui m’a fait découvrir « Corps et Ame » un des plus beaux livres que j’ai lus depuis très longtemps, et que je vous recommande à tous. Tourneur de pages, en réalité, parce que c’est un créateur, un stratège.
Il met en place, lance et quand tout est en route, que tout fonctionne, il délègue avec confiance et passe à une autre entreprise. Je ne les citerai pas toutes, elles sont histoires et elles sont succès.
Il déteste les chamailleries, veut que les siens s’entendent, aime que ses amis deviennent amis, il a besoin d’équipes, il se plaît en meute…Il organise.
Je me mélange un peu dans ses méandres familiaux, je sais que ses fils ont des noms d’empereur et ses filles des noms de beauté. Les mettre dans le bon ordre m’est un peu compliqué. Mais ce qui est important c’est qu’eux s’y retrouvent, et ils le font avec bonheur et avec une profonde admiration pour leur père. Il est, disent-ils, quand je leur demande quelques mots pour le décrire : rassembleur, exigeant, généreux, courageux et humaniste. Pas un seul défaut. Je n’en demande pas tant…Il me faudrait parler des heures….mais ils soulignent combien il les a toujours encouragés à avoir des opinions et à les exprimer. Ils me parlent de son grand désir de tout partager, de pouvoir tout dire, tout écouter, tout entendre et d’en débattre.
Au bout de six ans de mandat commun, de travail en commun, d’idées en commun, de problèmes partagés et de solutions trouvées, mon équipe municipale et moi-même étions persuadés que nous avions choisi le Maire qu’il fallait. Mais c’était, bien sûr, aux Deauvillais de décider. Ils ont plébiscité Philippe au premier tour à presque 70% des voix malgré la présence de 3 listes.
Philippe a donc été élu Maire de Deauville. Il a ceint mon écharpe et s’est installé dans mon fauteuil, il y a un peu plus de deux ans. Je ne le déteste pas encore et je pense que nous serons bientôt frappés par le délai de prescription. Mais, même si je sais que Deauville a mis un plancher sous vos pas pendant que Béatrice mettait un toit sur votre maison, je surveille, Philippe, en toute confiance, l’avenir de cette ville qui m’a fait reine et dont vous êtes aujourd’hui roi.
Je n’ai pas besoin de vous dire de prendre bien soin d’elle avant de prendre soin de vous. Vous êtes ce soir, avant tout, le chevalier servant de son honneur, le chevalier sur qui je compte pour être, aussi, le servant de son bonheur et c’est donc avec elle et pour elle que je suis fière de vous dire :
« Philippe Augier, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de l’ordre de la Légion d’Honneur.»
Evocation d'un homme qui vit de " L'autre côté de l'eau "
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